Aujourd’hui on va reparler de la méditation zazen. On avait pris comme point de départ « détendu et tranquille », cela me semble toujours un bon point de départ et puis on a rencontré Ryokan avec son petit ruisseau et Ryokan qui saute dans l’infini et tout cela ne nous a pas dit comment on va faire, et c’est ce que je vais essayer d’expliquer aujourd’hui.
Comment faire ? Cela commence par le corps, qu’on soit assis sur un coussin - c’est le mieux -, qu’on soit assis sur un petit banc, qu’on soit assis sur une chaise, toujours cela commence avec notre corps et ce qui est important, je pense, est que cela commence avec notre corps tel qu’il est. Notre corps a toute notre histoire de vie inscrite à l’intérieur. Cela veut dire si vous avez un corps de vingt ans ou un corps de quarante ans, si vous avez fait des travaux durs ou si vous avez passé votre temps devant l’ordinateur, si vous avez des enfants, si vous avez grimpé dans des montagnes, votre corps sera différent.
Votre corps exprime vraiment toute votre vie et c’est important, vous allez vous assoir exactement avec votre corps tel qu’il est. Vous n’allez pas essayer de vous transformer en cette statue, là, qui est devant moi par exemple, mais votre corps va être complètement lui-même. Est-ce que cela veut dire alors que si vous avez l’habitude de vous assoir avachi, comme cela, vous allez vous assoir avachi, Pas vraiment ! Est-ce que cela veut dire que vous allez vous assoir bien droit parce que vous pensez qu’il faut être bien droit ? Pas vraiment !
Vous pouvez faire cet essai. Quand vous êtes comme ceci, avachi, vous allez vous apercevoir que vous avez du mal à respirer, parce que cela coupe la respiration. Et quand, vous êtes bien droit, comme cela, quand vous vous tenez bien droit comme cela, et bien vous avez du mal à respirer parce que ça coupe votre diaphragme aussi ici. Donc, vous allez simplement vous assoir avec votre corps tel qu’il est, « tranquille et détendu » et donc vous respirez. Alors, est-ce que cela veut dire que comme ça existe et comme c’est sûrement très bien, comme dans beaucoup d’écoles de Yoga, vous allez inspirer d’une façon, expirer d’une autre, à travers le nez, à travers la bouche, etc..Pas vraiment !
En zazen, vous allez simplement respirer.
Vous n’allez pas porter toute votre attention sur la respiration, vous n’allez pas bloquer toute votre attention sur la respiration. Vous n’allez pas, non plus, respirer sans le savoir. Vous allez respirer. En fait, votre corps sait parfaitement faire. Quand vous êtes nés, quand vous êtes sortis du ventre de votre mère- un petit bébé, comme cela- la sage-femme n’a pas dit, maintenant, mon petit bonhomme, je vais t’expliquer comme on respire. On inspire, on expire, etc, non. Votre corps sait parfaitement respirer. Ce qu’il faut, c’est que vous lui en donniez l’occasion. Donc, quand vous êtes assis et détendu, c’est assez ouvert, votre diaphragme peut bouger, faire ses choses de diaphragme ( je ne suis pas anatomiste!) et vous pouvez respirer, parce qu’en fait à ce moment-là, la respiration va respirer à travers vous. Simplement, vous lui avez donné la place pour le faire, et encore une fois avec votre corps tel qu’il est.
D’accord, l’esprit, maintenant. Il faut bien s’entendre que ce que je suis en train de faire, diviser les choses comme cela, c’est très artificiel. C’est pour pouvoir parler parce que votre corps, votre esprit, votre respiration, c’est tout unifié. Donc bouger votre corps, votre esprit change, votre respiration change. Quand vous changez, quand vous laissez la respiration respirer à travers vous, votre corps change, votre esprit change. Moi, je suis obligée pour parler de les prendre un par un mais c’est pas comme on coche, vous savez, je suis bien au point mort, j’ai bien mis mon clignotant, etc. Ce n’est pas comme cela. Vous vous asseyez entièrement vous-même. Et votre esprit donc ? On a dit déjà, votre esprit, il fait son travail, tout simplement. Votre cerveau, il est occupé toujours à faire des impulsions électriques ou à envoyer des, je sais pas comment cela, s’appelle exactement, à travers les synapses, des neurotransmetteurs par exemple. Eh bien, vous n’avez pas besoin de vous occuper de vos neurotransmetteurs, ils se débrouillent très bien tout seuls ! Vous vous asseyez, corps et esprit, tranquilles.
Ok, alors maintenant comment est-ce qu’on fait ?
Avec tout cela, on n’a pas le comment. Je fais un petit détour. Quand, j’étais jeune, avant d’être nonne, j’aimais beaucoup l’eau, j’aimais beaucoup nager, j’aimais beaucoup allez dans la mer ou dans l’océan. Il y avait une chose que j’aimais par-dessus-tout, c’était faire la planche ! Vous voyez, vous vous allongez, comme cela dans l’eau, c’est formidable, vous vous laissez porter, de temps en temps, vous partez un peu à droite, un peu à gauche. Vous suivez les courants, vous voyez ... De temps en temps, vous avez une petite vague qui vous arrive dans la figure ou alors vous avez un petit peu d’eau dans le nez dans la bouche et tout cela mis tout va bien, vous vous laissez porter.
Si vous essayez d’expliquer ça à quelqu’un qui ne sait pas le faire, vous allez lui dire « c’est très simple, tu te mets sur l’eau et puis tu te laisses porter ». La personne ne vous croit pas. Au mieux, elle va essayer et comme elle ne vous croit pas, elle va garder la sécurité, par exemple, elle va garder un pied posé sur le fonds pour être sûre, pour être sûre d’être bien calée. Évidemment, si on fait cela, ça ne marche pas du tout. Alors à la fin, elle va finir par lâcher et puis se laisser porter mais dès qu’il y aura un petit peu d’eau qui va lui venir dans la figure ou dès qu’il y aura un petit mouvement, elle va s’affoler, elle va bouger dans tous les sens et elle va couler ! Et elle va se relever en vous disant « Et alors, tu m’avais dit qu’on pouvait se laisser porter, mais pas du tout, ça ne marche pas du tout ! ». Voilà, c’est simplement cette idée-là, vous ne pouvez pas l’expliquer. Vous pouvez le faire, vous pouvez montrer qu’on peut le faire mais vous ne pourrez jamais expliquer à cette personne comment est-ce qu’on fait pour se laisser porter par l’eau, et pourtant on peut le faire.
Donc, le comment, en fait, c’est ce qui n’est pas explicable. A mon avis, il se résume en un seul mot qui est « confiance ». Il faut que vous ayez confiance que oui vous pouvez flotter. Et pour zazen, il faut que vous ayez confiance en votre corps-esprit, que oui zazen c’est quelque chose qui est déjà là en fait, que vous pouvez faire parce que c’est déjà là.
Parce que pour moi zazen , c’est cette respiration ample du monde et, bien sûr, nous en faisons partie, nous sommes déjà dedans et nous pouvons avoir complètement confiance dans ce zazen qui est, pour moi, la réalisation la plus haute de notre corps/esprit en tant qu’être humain.
Et donc, nous allons avoir confiance en nous-même, en notre capacité de flotter, de faire zazen et puis nous allons avoir confiance en zazen. Confiance en zazen, cela veut dire laisser zazen faire zazen à travers nous.
Je ne peux pas dire, je fais zazen, je peux le dire, bien sûr, c’est grammatical, je peux le dire : « Qu’est-ce que tu fais le matin ? je fais zazen, etc… » mais cela n’a pas de sens vraiment car ce qui fait zazen, c’est zazen à travers moi. Lorsque je dis, je fais zazen, je réduis zazen à moi, mais moi, c’est tout petit par rapport à l’univers ! Mais si je vois ce souffle infini de l’univers dont je fais partie, je ne peux qu’être dedans et laisser ce souffle passer à travers moi.
C’est comme un musicien, vous voyez. Il y a toute sorte de musicien : Il y a des musiciens qui jouent do, mi, do, mi, voilà, et puis il y a des musiciens, les grands musiciens qui laissent la musique passer à travers eux. Eux jouent la musique, bien sûr, mais la musique, elle, passe à travers eux. C’est pareil pour une danseuse. Une danseuse, c’est le mouvement qui passe à travers elle. Elle fait le mouvement et en même temps il passe à travers elle. Et moi, je fais zazen mais ce zazen, ce souffle de l’univers passe à travers moi et à ce moment-là, il y a une « complétude » en quelque sorte, vous voyez, il y a deux et puis il y a un (SenseÏ fait Gasshô).
Mais ce un, il est aussi deux parce qu’il faut qu’il y ait le musicien, il faut qu’il y ait la danseuse, il faut qu’il y ait la personne qui s’assoit en zazen et à ce moment-là, il y a ce souffle infini qui peut faire un, et puis c’est deux. Et ça c’est cette confiance dans cette possibilité qui est zazen mais... mais au moment où vous vous dîtes « est-ce que je fais bien zazen ? » le deux, il éclate et là il n’y a plus que le un, vous voyez.
Au moment où vous voulez être sûr, au moment où vous voulez contrôler si vous êtes bien en train de faire zazen, au moment où vous voulez maitriser l’ensemble, votre esprit, votre respiration, tout éclate et tout disparait. Ce deux comme cela, qui est un et deux à la fois, disparait et il n’y a plus que le un. Imaginez donc un musicien, par exemple, en train de se dire « et maintenant, je veux jouer un sol » c’est fini, cette musique qui le traverse ou une danseuse qui se dit « Alors maintenant, je monte le bras », c’est fini. Alors, bien sûr, ils le font mais ils le font portés à travers ce souffle.
Et ça c’est notre difficulté, parce que nous en tant qu’êtres humains, nous aimons contrôler, nous aimons vérifier, nous aimons savoir si c’est juste ou pas et nous voulons savoir comment faire, or ce comment, encore une fois, il ne repose que sur notre confiance totale en nous-même et en zazen.
Alors, vous allez peut-être me dire « très bien, je me laisse porter, je fais confiance, je laisse zazen faire zazen au travers moi et dans ce cas-là, c’est formidable, c’est le Paradis, c’est le Nirvana, je suis sur un petit nuage, je flotte au-dessus de ce monde terrible, tout va très bien , c’est merveilleux ». Bon, vous me dîtes ça si vous n’avez jamais été vous asseoir sur un coussin, parce que sinon, vous savez que cette idée de petit nuage sur lequel on flotte, c’est une fake news en fait ! c’est quasiment une publicité mensongère, ça n’existe pas, ou alors pas comme ça ou alors pas tout le temps. Et alors, c’est comment zazen ?
Eh bien cela c’est pour la semaine prochaine parce que là pour l’instant, je vais m’arrêter ici et nous avons suffisamment de choses à laisser flotter pendant toute une semaine avant de chercher qu’est-ce qui se passe, voilà. Donc c’est terminé pour aujourd’hui et la suite la semaine prochaine.
Et la terre respire, vous savez en ce moment dans le Sud, la terre respire parce qu’il y a eu la petite pluie de printemps, c’est Chiyo Ni qui a écrit cela : « Petite pluie de printemps, chaque chose en devient plus belle »
C’est vrai pour les haïkus, chaque chose en devient plus belle parce que notre regard change.
Chaque chose en devient plus belle avec zazen parce que nous, nous changeons. Merci, bonne journée.
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