Prendre la responsabilité de ma vie
« La perfection, c'est l'eau qui sourd du rocher et remplit naturellement une vasque ou un bassin. Telle est notre pratique. La vraie pratique c'est qu'on est déjà un grand être. Aussi pourquoi ne pas commencer par s'accepter comme tel ? Acceptons notre corps, notre vie présente comme un « grand être ». Katagiri Roshi
Ceci, réaliser et accepter notre moi véritable, est ce que l’auteur appelle prendre la responsabilité de notre vie : voir comment notre vie se relie aux autres, et agir avec sagesse et compassion- « cela ne signifie pas s’oublier car pour être attentif aux autres, il faut aussi être attentif à soi-même.
Dans cette vie universelle, en lien avec tous les autres, vous devez prendre la responsabilité de votre propre vie. »
Je propose de regarder cela d’un peu plus près avec un autre texte d’un enseignant, John Brobow Roshi, que je commente au fur et à mesure !
Le bouddhisme Mahayana est centré autour de l'idée de bodhisattva. Bodhi signifie éveil, et sattva être. A l'origine ce terme ne s'appliquait qu'à Siddharta Gautama, avant qu'il ne devienne le Bouddha, celui qui est Eveillé. Mais, vers le 1er siècle, le terme bodhisattva commença à s'appliquer à tous ceux qui aspirent à l'Eveil-– pour aider les êtres....
Donc, pratiquer pour aider tous les êtres, ça fait de nous, des bodhisattvas, des êtres éveillés. (« Vous ne me croyez pas, mais c’est vrai » nous disait Katagiri Roshi !)
La vie du bodhisattva est basée sur la sagesse et la compassion. La sagesse ( sens différent de la philo grecque!) est voir la vie dans sa profondeur. Cela veut dire que nous ne supposons pas que nous vivons seulement par notre propre effort, mais nous voyons que nous vivons grâce aux efforts des autres êtres. Penser aux autres avant de penser à vous-même, c'est vivre la vie d'un bodhisattva.
Mais cela ne signifie pas s’oublier, plutôt voir comment notre propre vie se relie à celle des autres. Pour être attentif aux autres, il faut aussi être attentif à soi-même.
En tant que bodhisattva, nous voulons comprendre le monde humain. Alors, nous devons étudier la sagesse et la compassion, étudier en profondeur cette vie humaine. Pour cela, on peut commencer par rejeter l'arrogance qui est la croyance certaine que « ma vie est la mienne ». La plupart d'entre nous seront d’accord avec cette affirmation. Mais c'est une croyance très dangereuse car cela signifie que nous pensons que nous pouvons contrôler notre vie humaine par notre propre volonté- bien sûr nous avons des choix à faire à chaque instant, mais ces choix ne sont pas un « contrôle » que je garderai sur ma vie , plutôt des opportunités de voir nos vies dans interdépendance avec tous les êtres.
En rejetant l'arrogance et en pratiquant la sagesse, nous exprimons notre vie universelle.
Dans cette vie universelle, en lien avec tous les autres, vous devez prendre la responsabilité de votre propre vie. ( vous vous souvenez peut être de l’image du tissage : nous vivons notre vie instant après instant à l’intersection de « ma « vie et de la vie universelle, celle que nous apporte tout ce qui existe)
La considération envers les autres s'étend au-delà des êtres vivants – elle inclut tout, tables, coussins, même le papier toilette. Nous devons être attentifs à toutes les choses, et les traiter avec considération et respect.
Quand toutes les choses sont reçues comme la vie de l'univers, nous pouvons les apprécier, c’est le fruit de la pratique.
Quand nous traitons chaque chose avec un esprit et un coeur chaleureux= la compassion- la vie du Bouddha se manifeste dans notre vie.
Dans le Soutra de Vimalakirti, soutra du Mahayana, Manjusri, le bodhisattva de la Sagesse, demande au laïc Vimalakirti comment les bodhisattvas ( c’est-à-dire nous -mêmes!) devraient regarder tous les êtres vivants. Vimalakirti répond qu'ils devraient voir tous les êtres vivants comme éphémères et provisoires – comme l’éclair d’un orage d'été, une bulle à la surface de l'eau, ou le frémissement de l'air dans la chaleur. ( regarder)
Alors Manjusri lui demande comment les bodhisattvas doivent agir avec ces êtres éphémères et provisoires.( agir)
A cela Vimalakirti répond que tous les êtres doivent être traités avec compassion. ( -esprit et coeur chaleureux et aimants)
Les deux côtés sont difficiles à mettre ensemble :si les êtres sont éphémères, pourquoi s’en préoccuper ?
Pourquoi la compassion ? Parce que dans notre vie éphémère, nous avons aussi rencontré la souffrance de l’impermanence, et nous comprenons que les autres comme nous souhaitent sortir de cette souffrance.
Voir les êtres comme éphémères ce n’est pas ne pas leur accorder de valeur, mais c’est voir la réalité de nos vies transitoires.
C’est la Sagesse.
Et comprendre que toutes les vies rencontrent difficultés et souffrance, c’est vouloir aider les autres comme nous voulons nous aider nous-même. C’est la compassion.Les deux ailes de l’oiseau, dit-on dans le Zen, pour que l’oiseau puisse voler.
Être provisoire, c'est là la Vérité de notre vie. Ce n'est pas une chose qu'on peut comprendre intellectuellement. Vimalakirti ne veut pas dire se faire une idée des êtres provisoires.
Quand il parle « d'êtres provisoires », il se réfère à la Réalité, à la Véritable nature de notre vie. Notre vie n'est pas une chose précise, bien définie. Elle est comme un flux, en constant changement.
C'est pourquoi, en toute circonstance, vous devez prendre soin de la vie avec compassion.
Vivre ainsi ne signifie pas que vous devez connaître les détails de la vie de chacun, ni avoir beaucoup de connaissances intellectuelles.
Le bouddhisme ne s'occupe pas des grandes questions métaphysiques, comme, nos vies sont-elles réelles ou irréelles... Le bouddhisme nous montre comment accepter la vie totalement et la vivre avec compassion. Cette compassion est ouverte à tous.
C’est cette chaleur du coeur, grande et généreuse qui va au-delà des notions ordinaires de gentillesse. On ne peut pas la comprendre par des explications. En fait, la vie elle-même n'est quelque chose qu'on peut comprendre à travers des explications.
Le mouvement de la vie est complètement au-delà de nos idées dualistes de bon et mauvais, juste et faux. Cela veut dire que juste ici, juste maintenant, nous devons prendre soin de la vie comme de quelque chose de provisoire, avec un coeur aimant.
J. Brobow Roshi
« Acceptons notre corps, notre vie présente comme un « grand être » dit Katagiri Roshi. « Nous vivons notre vie directement, nous sommes connectés naturellement avec tous les êtres. Cela veut dire que lorsque vous aidez quelqu’un, vous pouvez voir vos deux vies s’échanger l’une l’autre sur un seul et même plan. Elles ne peuvent plus être vues comme séparées. Si je dis « je » aussitôt l’autre vie est présente. Grâce à la sagesse, on peut voir un seul tableau magnifique où deux vies s’échangent constamment l’une l’autre. C’est là que nous devons nous tenir... »
Placez -vous au milieu de la vie, le coeur chaleureux tourné vers les êtres – interconnecté et « inter-étant » avec tous les êtres - puis agissez ! Ceci est la véritable façon de prendre la responsabilité de notre vie.
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