Zazen se fait avec corps-esprit-respiration : UN.
Pas facile parce que nous avons tendance à voir cela comme des parties séparées, à « régler » séparément.
Pourtant : quand vous êtes contrarié, en colère, nerveux, regardez : le corps se crispe et s’agite, l’esprit s’agite, la respiration se fait plus courte : votre émotion bouscule tout ce « un » : corps-esprit-respiration . Alors, pensant à zazen à travers corps-esprit-respiration, le mot qui m’est venu est « souple ». Corps souple, esprit souple, respiration souple. Souple, c’est détendu, pas relâché, ouvert et tenu à la fois.
Et je crois qu’une autre façon de dire cela c’est « sans contrôle » !
Parce que ça c’est très difficile, nous pensons que nous devons tout le temps tout surveiller, tout contrôler, nous-même en premier, et plus encore pendant zazen.
On veut contrôler le corps : droit, immobile, tendu, se battant avec la douleur…
Contrôler l’esprit : « pas penser, c’est zazen !»ou bien, « ah non je ne veux pas penser à telle ou telle chose qui va amener trop d’émotions.. . » ou bien le contraire. Contrôler la respiration avec les poumons, avec les abdos, avec la tête en fait !
La tête fait tout là ; bref, on a un Surveillant en Chef assis sur notre tête !
( Il y a un proverbe du Chan qui dit qqc comme « Si tu veux garder ta vache, attache là avec une longue corde ! » ) Plus nous essayons de garder le contrôle, plus nous provoquons une ré-action de lutte contre ce contrôle !
Alors, pour expliquer, souple, sans contrôle, je suis obligée de revenir à découper un moment « corps-esprit-respiration » ! Tout en insistant que dans les faits, ils ne font qu’un !
Fujita Roshi, qui parle de façon passionnante de zazen, dit : « Nous devons nous asseoir comme si nous n’avions pas de muscles. Zazen n’est pas une autre sorte d’entrainement musculaire. Les muscles ne devraient être utilisés que pour développer la sensibilité au corps, et devraient à part cela rester totalement relâchés. »
Pour que nous puissions être détendus, muscles relâchés, il faut que nous soyons STABLE. Sinon, si le bas de notre corps, cuisses, jambes, toutes les parties qui touchent le sol, ne sont pas solidement enracinés, comme si nous étions un arbre, alors la stabilité que le corps ressent comme nécessaire va se faire dans la tension, dans le haut du corps, dans les épaules.
La première chose est donc de vraiment prendre appui, totalement sur le sol, se laisser porter par la terre.
Et de là, notre corps s’étire dans l’air...parce que quand nous sommes stables sur la terre, nous pouvons être légers, nous pouvons nous laisser porter par l’air... « comme si nous n’avions pas de muscles »…
Je reprends Fujita Roshi : « Alors que le corps est assis immobile comme une montagne, le corps interne est relâché, dénoué et détendu dans chacune de ses parties. Comme un « œuf tenu en équilibre », la structure externe reste solide et ferme tandis que l’intérieur est fluide, calme et détendu. »
Parce que c’est la terre qui fait tout le travail, pas nous ! Il poursuit : « À l’exception de quelques tout petits muscles nécessaires, tout est calmement au repos. »
Je reviens de suite, sur ce « repos » mais il a aussi souligné le respect dû aux limites du corps. « Zazen n’est pas simplement vous forcer à être conformes à une position assise « sans la permission de votre corps » dit-il.
Donc, notre corps, stable et léger, est au repos. Notre esprit alors reste souple : non pas qu’il s’arrête, non pas un trou noir, mais pas non plus une tension : lorsqu’il s’emmêle dans les pensés-émotions, il peut revenir doucement, avec ...délicatesse, légèreté, au corps, à la sensation du corps stable, et à la respiration.
Il se remet dans le « UN »
Le mot clé est « doucement », ou bien on peut dire avec bienveillance : traitez-vous avec bienveillance et douceur ! Sinon, vous allez traiter les autres avec la même intolérance et la même brutalité que vous -même !
Cela veut dire aussi avec fermeté tranquille et encouragements !
Oui il y a une exigence dans tout cela, non pas pour arriver à… ? À quoi ? Un bon zazen, pas bouger-pas penser ? Sourd au monde, mort à soi- même ?
Comment avoir une exigence légère, sans tension, et sans attente…
Vous savez souvent je dis « Comme c’est, ça va ! » et je pense que c’est un bon point de départ : on va s’asseoir comme on est, avec limites et manques, avec maladresses et ratés. Parce que c’est s’asseoir exactement là où nous sommes, comme nous sommes.
Et puis, j’aime tant cette histoire de Suzuki Roshi, je la cite encore et encore. Il disait à ses étudiants au cours des sesshins : « Chacun de vous est parfait, juste comme il est... » ( Léger frisson d’étonnement dans le zendo !) et alors il ajoutait : « Et chacun de vous peut s’améliorer un petit peu… ! »
Voilà : tranquille et détendu, comme nous sommes ; et en même temps, un petit pas de plus, dans la présence à nous -même, et DONC, au monde…
Et si je n’ai pas parlé du 3ème terme, respiration, c’est que là, vraiment, rien à faire, corps souple, esprit détendu : laissez la respiration respirer à travers vous… vous savez respirer, plus exactement votre corps sait respirer… et vous, vous avez juste à laisser une attention, une présence légère à cette respiration, aussi légère qu’une caresse de papillon…
Fujita Roshi : « En zazen, tous trois, corps-esprit-respiration, sont totalement intégrés depuis le commencement. Le souffle circule à travers le corps entier. Aucune partie du corps ne manque d’être touchée par le souffle qui entre et qui sort. Nous devons juste nous asseoir de façon que les différentes articulations ne bloquent pas le flux du souffle. »
Ne pas bloquer avec votre corps, ne pas bloquer avec votre esprit, M° Dogen dit « ne pas faire obstacle », c’est juste être laisser circuler ce qui est, la présence totale, sans attente, sans but.
Résumé : pas de contrôle : soyez souple, soyez bienveillant, laissez faire votre corps-esprit-respiration.
Arrêter de vouloir « faire zazen » et laissez faire zazen à travers vous, c’est-à-dire à travers votre corps-esprit-respiration.
« Le point essentiel de zazen est de savoir que nous ne faisons pas zazen. L’univers entier et tout ce qui s’y passe font zazen. » Fujita Roshi
Texte complet de ce partage: https://www.nousasseoirensemble.org/blog
Texte complet de Fujita Issho Roshi dans Daishin 2013 page 9 de: https://fr.calameo.com/read/0029769870fc7b979b20c
On peut trouver aussi un enseignement de Fujita Roshi :
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